Chronique des stations de ski disparues
5 février 2023
©Christophe Stagnetto
Près d'un tiers des stations de ski françaises ont disparu en l'espace de 50 ans. Malgré l'engouement des années 60 et 70 et l'essor des sports d'hiver, certains sites n'ont pas trouvé les moyens de pérenniser leur activité. Du Jura aux Alpes, de l'Auvergne aux Pyrénées, tous les massifs on été concernés par ces fermetures. Jean-François Giraud nous plonge dans cet aspect méconnu de l'histoire du ski.
©Pierre Alexandre Métral
"La montagne désarmée", une thèse sur ces stations disparues
Pierre Alexandre Métral est doctorant en géographie à l'université de Grenoble. Il rédige actuellement une thèse sur ce phénomène des stations disparues. Intitulée "La montagne désarmée", son étude a analysé une cinquantaine de ces stations qui n'ont pas survécu. Près de 180 sites ont dû mettre la clé sous la porte depuis le début des années 1960. Souvent, ce sont de petits domaines qui n'ont pas pu résister au manque de neige, à une offre de ski trop limitée et, plus généralement, à un modèle économique mal pensé et ne pouvant pas tenir dans la durée. L'or blanc a attisé de nombreuses ambitions et certains ont manqué de discernement.
©JF Giraud
©JF Giraud
L'exemple de Val Pelouse, en Savoie
Située entre Chambéry et Grenoble, sur les premiers contreforts du massif de Belledonne, la station de Val Pelouse a été créée à la fin des années 60 par les responsables des communes de la Rochette et d'Arvillard. Située à 1700 mètres d'altitude, elle bénéficiait d'une vue panoramique sur les montagnes et sur la vallée de Chambéry. Martine et Claude Selva ont bien connu la station. C'est même là qu'ils ont appris à skier ! Val Pelouse se voulait familiale et conviviale mais, après une décennie d'exploitation, le nombre de pistes limité, les coûts d'entretien et parfois le manque d'enneigement, il n'était plus possible de poursuivre l'aventure. Ce qui a précipité la chute de la station, c'est le bâtiment qui servait de lieu de restauration et de repos. Le Signal s'avère trop grand, difficile à chauffer et mal conçu.
©JF Giraud
La fin annoncée de Val Pelouse
En 1986, décision est prise de ne plus exploiter la station. Le coût financier devenant trop important pour les communes d'Arvillard et de la Rochette. L'ensemble des équipements seront démontés et le fameux Signal sera revendu à la commune d'Aiton, aux portes de la vallée de la Maurienne. Il abrite désormais un restaurant au bord de l'autoroute A43.
Aujourd'hui le site de Val Pelouse accueille quelques compétitions de trail et de parapente. Un projet est en discussion pour relancer une offre touristique, estivale cette fois-ci.
©Christophe Spagnetto
©Christophe Spagnetto
La station abandonnée de Saint-Honoré
Si la station de Val Pelouse a été démantelée, ce n'est pas le cas de celle de Saint-Honoré, en Isère. Située non loin de La Mure, au sud de Grenoble, la station devait combler le vide économique laissé par la fermeture des mines du plateau matheysin. Nous sommes au début des années 70 et, sur le papier, tout semble prêt. Le futur domaine sera même relié à celui de l'Alpe du Grand Serre. Jusque dans les années 80, des immeubles sortent de terre et le nombre de pistes augmente progressivement. Tout semble aller pour le mieux, mais un promoteur douteux va précipiter la chute de la station. Ses ambitions immobilières ne seront jamais achevées et l'homme terminera en prison pour escroquerie et détournement de fonds.
©Christophe Spagnetto
Une station laissée à l'abandon
Depuis la fermeture de la station, en 2003, une partie des installations de Saint-Honoré seront laissées à l'abandon et livrées à l'usure du temps. Une ambiance de fin du monde à 1500 mètre d'altitude qui inspire, depuis 20 ans, de nombreux artistes. C'est le cas de Christophe Spagnetto. Il est venu s'installer ici pour la vue exceptionnelle du site mais aussi pour s'adonner à son activité de photographe. La nature reprenant peu à peu ses droits au milieu des immeubles non achevés, des grapheurs laissant libre cours à leur imagination sur les murs en béton. Des danseurs, des créateurs de mode viennent parfois bénéficier d'un site "urbex" en plein milieu de la montagne. A Saint-Honoré, on garde l'espoir qu'un jour, ces bâtiments soient réhabilités. En attendant, ils attirent un certain tourisme. Une manière comme une autre de faire vivre cette commune.
©Christophe Spagnetto
Quid de la préservation de l'environnement ?
Reste la question du démantèlement de ces stations abandonnées. Car les risques pour l'environnement sont réels : problèmes de rouille, d'hydrocarbures laissés sur place, dangers potentiels pour les promeneurs et pollution visuelle. Des associations lancent régulièrement des campagnes de démontage et de nettoyage de ces sites. Elles souhaiteraient que la gestion de ces friches soient mieux prise en charge par les pouvoirs publics. Dans ce cadre, la loi Montagne oblige au démontage des remontées mécaniques obsolètes construites à partir de 2016.