Henriette d'Angeville : la fiancée du mont Blanc

mont Blanc

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Notre série consacrée aux expéditions extraordinaires s'intéresse à la première ascension féminine du mont Blanc. Un exploit signé Henriette d'Angeville.

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Henriette d'Angeville : la fiancée du mont Blanc
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Interview de Marc Forestier, auteur de "La vie épistolaire d'Henriette d'Angeville"
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Marie Paradis : la toute première femme au sommet du mont Blanc

Raconter l’histoire de la première ascension féminine du mont Blanc revient à faire un choix. Nous aurions pu vous parler de Marie Paradis. C’est elle, en effet, qui est la première, en 1808, à poser le pied sur le toit de l’Europe. Mais ce n’est pas le personnage principal de ce récit.

 

La première ascension du mont Blanc date de l’été 1786. Elle est réalisée par deux Français : Jacques Balmat et Michel Paccard. L’exploit marque les débuts de l’alpinisme.

En juillet 1808, Jacques Balmat – encore lui – entreprend une nouvelle escalade du mont Blanc. Il emmène la Chamoniarde Marie Paradis, née à Saint-Gervais, alors âgée d’une trentaine d’années. D’après les récits d’Alexandre Dumas, qui s’est beaucoup intéressé à cette expédition, le voyage de Marie Paradis se révèle être extrêmement éprouvant pour elle. Mais elle parvient malgré tout à atteindre le sommet. Elle ne se vantera jamais de son exploit, considérant qu’elle le devait en grande partie à ses compagnons d’aventure, qui l’ont portée à plusieurs reprises durant l’ascension.

30 ans plus tard, une autre femme s’apprête à gravir le toit de l’Europe. Il s’agit de la Franco-Suisse Henriette d’Angeville.

Jeunesse dans le Bugey et premières vues sur le mont Blanc

Henriette nait en 1794 à Semur-en-Auxois. Son père est fait prisonnier pendant la Révolution française et son grand-père est guillotiné, ce qui pousse sa famille à s’installer à Hauteville-Lompnes, dans le Bugey. C’est dans ce département de l’Ain qu’Henriette se passionne très jeune pour l’ascension des plus hauts sommets des environs, qui offrent une vue imprenable sur le mont Blanc.

 

Pendant l’été 1838, l’alpiniste âgée de 44 ans se rend de la vallée de Chamonix (ou Chamouny comme on disait à l’époque) pour s’apprêter à accomplir un vieux rêve : gravir le mont Blanc. Elle se prépare minutieusement. Elle lit les comptes-rendus des précédentes ascensions, consulte de grands médecins genevois qui l’aident à améliorer sa condition physique et, surtout, se fait confectionner une tenue spécifique. Elle est composée, entre autres, d’un pantalon de flanelle, de deux chemises d’homme, de bas de laine et de soie et de souliers imperméables à crampons.

Une expédition préparée minutieusement

C’est ainsi vêtue et contre l’avis de son entourage qu’Henriette entame l’ascension du mont Blanc en compagnie de douze guides et porteurs le 3 septembre 1838. Tout au long de l’ascension, l’alpiniste prend sa pulsation cardiaque. La première partie de l’expédition passant par le glacier des Bossons, la Pierre Pointue et la Pierre à l’Échelle se déroule parfaitement. Dans son carnet de voyage, elle note : « J'éprouvais une joie intérieure que j'avais peine à contenir ; je sentais mon corps léger ; il n'y avait ni faim ni soif ni chaud ni froid, mais seulement une attraction si forte pour le mont Blanc… ».

 

Henriette impressionne ses guides. Elle fait preuve d’une endurance et d’un courage exceptionnels, vainquant le mal des montagnes. Mais après une courte nuit, le cœur de l’aventurière s’emballe à plus de 3 000 mètres d’altitude. Le froid est de plus en plus vif et à mesure que le sommet se rapproche, la fatigue et la douleur se font progressivement sentir. Elle écrit : « Là commence une atroce souffrance, une horrible lutte contre le sommeil accompagnée de palpitations et de suffocations. […] Je ressentais une courbature dans les reins, accompagnée d’une pesanteur sur les yeux et mon pouls donnait 136 pulsations par minute, avec un cœur qui ouvrait ma poitrine. »

À 9h30, le 4 septembre 1838, les grimpeurs atteignent le Mur de la Côte. Malgré les difficultés qu’elle rencontre, Henriette prévient ses guides que rien ne pourra l’arrêter. Elle leur demande même de la conduire à la cime morte ou vivante. Ils n’auront pas besoin de la porter pour toucher au but. À 13h25, Henriette d’Angeville foule le toit des Alpes « dans la plénitude de [ses] facultés physiques et intellectuelles ».

Les deux premières femmes à avoir atteint le sommet du mont Blanc se sont retrouvées, un jour. À cette occasion, Marie Paradis aurait confié à Henriette d’Angeville qu’elle la considérait comme étant la première à vaincre le toit de l’Europe, n’ayant reçu aucune assistance physique de ses guides.

Célibataire et sans enfant, Henriette d’Angeville est désormais connue comme étant la « fiancée du mont Blanc ». Un surnom qui la suit encore aujourd’hui.

Mixage sonore : Nicolas Vernizeau