Pourquoi tant de chantiers sur l’autoroute au printemps ?

Cones de chantier

© APRR/Leimdorfer Gilles

Les bourgeons éclosent, les fleurs ouvrent leurs pétales, et avec le retour des beaux jours, fleurissent aussi les travaux sur les autoroutes. Après la trêve hivernale, des kilomètres de revêtement sont à rénover, mais pas seulement : les ponts, les viaducs, les tunnels, les réseaux d’assainissement, les accotements, tous nécessitent un entretien soigné, car tous sont essentiels pour la sécurité.

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Des durées de vie différentes

« Une chaussée en moyenne va durer une quinzaine d’année en surface, sachant que la structure dessous est dimensionnée pour 30 ans minimum ; en général tous les 15 ans nous reprenons la couche de roulement. Un ouvrage d’art aura une rénovation assez complète au bout de 15, 20 ans. Et il est reparti derrière pour 30 ou 40 ans. » explique Philippe Giguet, directeur infrastructure patrimoine et environnement chez APRR.

130 millions d’euros par an

Chez APRR 130 personnes se consacrent exclusivement à l’entretien des infrastructures autoroutières. Il faut compter 3000 ouvrages d’art, dont 200 exceptionnels, sur 2300 kilomètres d’autoroutes. Sébastien Breton, chef du département infrastructure environnement du groupe APRR, détaille : « On a un budget d’entretien de l’ordre de 130 millions d’euros par an, entre les ouvrages d’art, les chaussées, les ouvrages environnementaux, les bâtiments… »

60 000 euros d’entretien par kilomètre

L’entretien d’1 kilomètre d’autoroute, toutes infrastructure confondues, équivaut en moyenne à 60 000 euros par an. Dans le détail, les infrastructures différentes demandent des soins particuliers pour chacune, mais aussi des moyens de surveillance adaptés.

Plusieurs niveaux de surveillance existent : tous les jours sur le terrain, les personnels autoroutiers observent et signalent toutes les dégradations disons habituelles. A cela, s’ajoutent tous les 3 à 5 ans des auscultations périodiques effectuées par des entreprises extérieures spécialisées. Elles suivent le vieillissement des chaussées et des ouvrages d’arts. Une panoplie de capteurs installés sur les points sensibles des autoroutes complète la surveillance des infrastructures.

Des capteurs spécifiques pour surveiller l’usure de l’autoroute

Certains mesurent l’évolution du béton, sur les grands viaducs de l’A40 par exemple. D’autres surveillent la géotechnique, c’est à dire les mouvements des sols qui peuvent survenir à proximité des piles de pont. « Aujourd’hui, avec le réchauffement climatique, on constate des variations de températures assez extrêmes qui ont un impact sur le sol » souligne Sébastien Breton.

Le poids est l’un des principaux facteur d’usure d’une chaussée ou d’un ouvrage d’art

Chantier A49

APRR

D’autres capteurs, insérés dans les chaussées, sont dédiés au pesage dynamique. Ils ont été mis en place après de dramatiques accidents : en Italie, en 2018, à Gênes, 43 personnes sont mortes dans l’effondrement d’un viaduc autoroutier ; près de Toulouse en novembre 2019, 2 personnes sont décédées à Mirepoix-sur-Tarn : un camion de plus de 50 tonnes a fait effondrer dans la rivière un pont qui ne pouvait supporter que 19 tonnes au maximum. « Le poids est l’un des principaux facteur d’usure d’une chaussée ou d’un ouvrage d’art. Quand on appuie sur la chaussée, les matériaux réagissent et plus le poids est important, plus la réaction va être forte » explique Sébastien Breton. « Connaitre le poids des engins qui circulent sur l’autoroute permet d’être meilleurs dans la programmation des travaux et dans la technique d’entretien à utiliser ».

Des capteurs sont également installés sur des falaises qui bordent les autoroutes. C’est le cas par exemple sur les autoroutes alpines du réseau AREA et sur l’autoroute A40, dans l'Ain, sur le réseau APRR. « Les falaises bougent, çà on le sait, ce sont des falaises vivantes » explique Philippe Giguet directeur infrastructure patrimoine et environnement chez APRR « cela nous arrive de prendre des entreprises avec des hommes spécialisés dans l'escalade qui vont décrocher des morceaux de rocher pour préserver la sécurité des clients de l’autoroute ».

Programmation des travaux d’autoroute : comme du papier à musique

Le calendrier est complexe à mettre en place car il ne faut pas trop impacter les flux de circulation. Premières contraintes : le trafic plus important pour les vacances scolaires ou pour les ponts de mai. Il faut cependant finir à temps pour libérer un maximum de voies avant les congés d’été. S’ajoutent à cela l’entretien périodique des chaussées, des ponts, tunnels, viaducs et autres accotements en fonction des diagnostics effectués régulièrement par des entreprises extérieures. « On planifie à plus de 5 ans les opérations à envisager » précise Sébastien Breton.

Cette organisation, réglée comme du papier à musique, doit prendre en compte aussi les aléas de la vie de l’autoroute : un véhicule en feu ou un accident peut abîmer les infrastructures qu’il faut remettre en état le plus vite possible. « On a plusieurs dizaines d’entreprise partenaires qui nous accompagnent au fil de l’année pour réaliser les meilleurs travaux possibles » explique Sébastien Breton. Selon les besoins, elles peuvent intervenir toute l’année, 24 heures sur 24.

Le réchauffement climatique change le calendrier

Généralement, les travaux sont prévus du 15 mars au 15 novembre. Mais la période de travaux s’est allongée de 3 à 4 semaines sur l’année. « Les effets d’évolution du climat se font sentir. Nous arrivons à avoir des périodes qui se sont allongées : il fait plus chaud, il y a moins de neige, moins de gel, donc ça permet aux entreprises de démarrer plus tôt les travaux » explique Philippe Giguet, directeur infrastructure patrimoine et environnement chez APRR.

Chantier de nuit, enrobé

APRR

Travaux autoroutiers : contraintes et difficultés

Selon qu’ils ont lieu sur les chaussées, dans les accotements ou encore sur les ponts, les travaux peuvent sembler plus ou moins complexes à mettre en œuvre. Pour de simples travaux de réfection de chaussée, cela change tout qu’ils aient lieu en rase campagne ou près d’habitations. Dans les zones urbaines les travaux se déroulent la nuit à cause du trafic : « L’entreprise doit amener le matériel après 20 heures, et tout retirer avant 6 heures. Le temps de travail est relativement court. Le même type de chantier de chaussée que vous faites en rase campagne, on est capable de laisser l’entreprise travailler pendant 2 mois et demi et donc de reprendre 50 km d’autoroute en ayant amené ou fabriqué 150 000 tonnes d’enrobé » explique Philippe Giguet. A cela s’ajoutent les contraintes environnementales. Elles sont de plus en plus exigeantes et ne se limitent pas seulement à la faune et à la flore : « de plus en plus le bruit est pris en compte, la qualité de l’air aussi ».

Elise Vallade