Voiture électrique : est-elle vraiment moins polluante ?

Voiture électrique

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Les véhicules électriques sont-ils vraiment moins polluants que les véhicules thermiques ? C'est le thème de notre dossier de la semaine préparé par Antoine Aupart.

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Le véhicule électrique est-il vraiment moins polluant que le véhicule thermique ? La question est simple, mais il faut comparer plusieurs points pour pouvoir donner une réponse claire. Il faut analyser le cycle de vie des véhicules. Explications avec Cécile Goubet, déléguée générale de l'AVERE France, l'association nationale pour la mobilité électrique : "Quand on parle d'analyse du cycle de vie du véhicule, ça inclut la fabrication et le transport du véhicule et ses composants ; la production et le transport de l'énergie ; l'utilisation du véhicule et sa fin de vie."

 

Une conception très énergivore

Commençons par nous intéresser à la conception des deux types de motorisation avec Ariane Rozo, ingénieure au service Transport et Mobilité de l'ADEME, l'agence de la transition écologique : "On va regarder l'énergie et les matières premières nécessaires à la fabrication de la carrosserie et de la batterie électrique, qui nécessite l'extraction de matériaux à l'autre bout de la planète et qu'il faut ensuite purifier. C'est très énergivore, ça émet beaucoup de gaz à effet de serre et ça contribue au changement climatique. Le véhicule électrique émet beaucoup plus de gaz à effet de serre pour être fabriqué qu'un véhicule thermique."

La réponse est donc claire : lorsqu'un véhicule électrique sort de l'usine, il part avec une sorte de déficit carbone par rapport au véhicule thermique.

L'analyse totale de l'ACV

Qu'en est-il si l'on analyse le cycle de vie total des véhicules, qui prend en compte notamment la production d'électricité, qui n'est pas forcément propre dans tous les pays ? La réponse avec Saul Lopez, de la Fédération européenne pour le transport et l'environnement : "Chaque pays produit son électricité d'une façon différente. En France, il y a une forte composante d'énergie nucléaire, alors qu'en Suède ou en Norvège, nous avons des énergies renouvelables. En revanche, en Pologne, 80 % de l'électricité est produite en brûlant du charbon. Même dans le pire des cas, qui serait un véhicule électrique dont la batterie a été produite en Chine (pays qui, lui aussi, brûle énormément de charbon pour produire son électricité) et qui circule en Pologne, la voiture électrique émettra entre 22 et 28 % de gaz à effet de serre en moins par rapport à un véhicule thermique."

En France, en on estime que le véhicule électrique permet "d'économiser" 77 % d'émissions de gaz à effet de serre. Un taux qui avoisine les 80 % en Suède.

Pas de gaz néfaste et moins de particules fines

Autre atout de l'électrique : il n'émet pas de gaz néfaste pour la santé et moins de particules fines. "Le véhicule électrique n'ayant pas de pot d'échappement, il n'émet pas de particule ni d'oxyde d'azote à l'échappement, explique Ariane Rozo. Il émet tout de même des particules hors échappement, via les systèmes de freinage et de pneumatique. A cause de la batterie, il est plus lourd qu'un véhicule thermique." La voiture électrique va donc user plus vite ses plaquettes de frein et ses pneus, mais son utilisation reste néanmoins bien moins polluante.

L'épineuse question du recyclage des batteries

A l'instar des voitures thermiques, la quasi-totalité des matériaux qui composent les véhicules électriques doivent être recyclés. Mais quand on se penche sur le recyclage de la batterie, ça devient un peu plus compliqué. La conception de celle-ci nécessite, entre autres, des matériaux rares, dont l'extraction est très polluante. D'où la nécessité de bien gérer la fin de vie de ces batteries. "En 2027, poursuit Ariane Rozo, on imagine que le flux de batteries à recycler devrait être trois fois plus important que les capacités de recyclage en France. Il y a aujourd'hui deux entreprises qui sont sur le pont, mais les batteries qui leur permettraient de pérenniser économiquement le modèle sont actuellement dans les véhicules. Il faudrait les aider à tenir le cap jusqu'à 2027 et à continuer à développer leur capacité de traitement."

Il est également possible de donner une seconde vie aux batteries, lorsque la voiture électrique part à la casse, celles-ci pouvant servir à stocker l'électricité. Il n'est pas exclu, non plus, que les batteries que nous connaissons aujourd'hui soient différentes dans quelques années. Yann Briand est chercheur à l'IDDRI, l'Institut du développement durable et des relations internationales. Il ajoute : "On va peut-être passer d'une batterie au lithium à un autre type de batterie. Il y a eu un grand changement entre les batteries au plomb et celles au lithium par le passé. On peut s'attendre à ce qu'il y en ait d'autres."

Aujourd'hui, les obligations européennes imposent un recyclage de la batterie à hauteur de 50 %. Ce taux pourrait être réévalué et passer à 75 %.

Tous les experts s'accordent à dire que le véhicule électrique est bel et bien moins polluant que les moteurs essence ou diesel. "Si on veut respecter nos engagements pour le climat, il est très clair qu'à l'avenir il faudra beaucoup moins rouler, voire ne plus rouler du tout avec des véhicules thermiques, assure Yann Briand. Car même avec les gains d'efficacité promis, on n'arrivera pas à tenir nos objectifs." Selon le chercheur, il faudrait avant tout repenser la place de la voiture et de son usage dans nos déplacements.