Des dessins d'enfants exposés à la maison d'Izieu jusqu'au 6 juillet

Dessin Izieu

©Autoroute INFO

Jusqu’au 6 juillet, la Maison d’Izieu expose les dessins d’enfants ayant vécu dans cette demeure, située dans l’Ain près de l’A43. Cachés pendant la Seconde Guerre mondiale, plus de quarante enfants et leurs instituteurs avaient été déportés dans des camps de concentration en avril 1944. Leurs dessins, regroupés dans l’exposition “couleurs de l’insouciance” demeurent un témoin de leur histoire. Cette exposition a été dévoilée à l'occasion de la commémoration du 78ème anniversaire de la déportation des enfants.

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Des dessins d'enfants exposés à la maison d'Izieu jusqu'au 6 juillet
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Un moyen d’expression pour échapper à la guerre

Sur les dix-sept documents à la maison d’Izieu, la guerre est absente des traits réalisés par les enfants. Au contraire, ces dessins représentent des thèmes propres à l’enfance et au jeu. Ils ressemblent aux traits d’autres enfants de leur âge. Parmi les thèmes retrouvés dans ces dessins d'enfants on retrouve l'aventure, les contrées inconnues, les animaux, les technologies comme les avions ou encore les contes liste Stéphanie Boissard, responsable de recherches à la maison d’Izieu. Pour elle, l'absence de guerre

“La colonie avait pour but de les protéger physiquement mais aussi moralement. Et le fait de leur donner la possibilité de s’exprimer par le dessin, ne serait-ce que mettre à disposition des crayons, du papier et de la gouache c’est assez exceptionnel en temps de guerre. Et dans les dessins des enfants transparaissait vraiment cette possibilité d’insouciance que leur offrait la maison.” Stéphanie Boissard, responsable de recherches à la maison d’Izieu

Les enfants s'expriment aussi sur leur vie à la maison d'Izieu à travers des dessins représentant des scènes de leur quotidien. Ces dessins deviennent ainsi des témoignages de cette période. Parmi les dessins marquant la collection, Stéphanie Boissard présente l'oeuvre de Max Tetlebaum qui a choisi de représenter une scène de fou rire impliquant plusieurs enfants dans la forêt qui entourait la colonie.

"Quand on regarde le dessin de Max on voit vraiment des enfants qui se trémoussent de rire, il a cette qualité de traits qui fait qu'on voit le mouvement. Et c'est une scène cocasse et drôle où on voit un enfant sortir d'une mare tout mouillé et ses camarades sont en train de rire. On a l'impression à la fois qu'ils se moquent un peu de leur camarade mais en même temps ils sont en train de le fêter" - Stéphanie Boissard​

 

 

Dessin de Max Tetelbaum présenté lors de l'exposition "Couleurs de l'insouciance"

©BNF

Dessin de Max Tetelbaum présenté lors de l'exposition "couleurs de l'insouciance"

Leurs pensées et leurs émotions sont aussi racontées à travers des petits mots, échangés avec leurs camarades qui font eux aussi partis de la collection "Couleurs de l'insouciance". Un thème qui rappelle à Michelle Hertmann, nièce d'Alice-Jacqueline Luzgart, l'une des enfants déportées, des histoires que lui racontaient sa mère à propos des derniers mois d'Alice passés à la maison d'Izieu. Une histoire qu'elle connait grâce à la correspondance régulière entre Alice et sa soeur, la mère de Michelle Hertmann. 

"Elle aimait la maison, elle parlait beaucoup du paysage. Ils (les enfants) étaient joyeux, bon elle craignait un petit peu la directrice parce qu'elle était sévère mais elle se plaisait beaucoup là bas. Par exemple dans sa dernière lettre, elle parlait du poisson d'avril qu'on leur a accroché dans le dos ou de la rédaction qu'on leur a fait faire sur ce qu'ils voulaient faire plus tard. " raconte Michelle Hertmann. 

Comme Alice, les 43 autres enfants et 7 adultes de la colonie sont arrêtés par la guestapo menée par Klaus Barbie, et envoyés dans différents camps d'internements situés à Rivesaltes (Pyrénées Orientales), et Agde (Hérault), Drancy (Seine-Saint-Denis) ou Gurs (Bearn). Ils sont ensuite déportés à Auschwitz puis gazés. 

Un travail de préservation et de protection de ces dessins réalisé par la Bibliothèque Nationale de France

Trois semaines après la déportation des enfants, Sabine Zlatin, la directrice de l'établissement qui avait échappé à la déportation, récupère les dessins et lettres d'enfants et les conserve dans des cartons chez elle. Elle ne les regarde et les manipule que très peu à cause des souvenirs douloureux qu'ils représentent pour elle. Près de quarante ans plus tard, en 1993, elle les confie à la Bibliothèque Nationale de France qui préserve les documents à l'abri du regard du public jusqu'à cette exposition. 

"Les documents sont restés à l'abri de la lumière ce qui explique que les couleurs sont restées très fraîches, ils ont aussi été très peu manipulés et très peu montrés ce qui explique qu'ils sont restés presque comme ils l'étaient en 1944" - Loic Le Bail, conservateur au département des estampes et de la photographie de la BNF. 

Certaines pièces ont néanmoins dû être restaurées avant d'être montrées au grand public. Roxane Moine, restauratrice à la Bibliothèque Nationale de France, a pu travailler sur une partie des dessins lors d'une opération de restauration des oeuvres. Elle évoque un travail minutieux pour stabiliser les déchirures et autres altérations des dessins pour éviter toute dégradation.

"C'était très émouvant de travailler sur ces pièces particulièrement importantes pour notre histoire. Le fait que ce soit des dessins d'enfants rend ces documents particulièrement criants d'émotion et de vie" - Roxane Moire, restauratrice à la Bibliothèque Nationale de France

Des représentations de ces dessins, lettres et mots sont visibles dans le livre publié par la Maison d'Izieu et la Bibliothèque Nationale de France "On s’amusait, on jouait, on chantait : paroles et images des enfants de la Maison d’Izieu (1943-1944)" publié le 6 avril 2022.