Sabine Zlatin et la Maison d'Izieu, pour ne jamais oublier

Maison d'Izieu

© P. Mahr

Ce dimanche 18 juillet, c'est la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux "Justes" de France. À cette occasion, nous allons vous raconter l'histoire de la vie d'une femme qui a joué un rôle considérable dans le devoir de mémoire. Il s'agit de l'ancienne directrice de la Maison d'Izieu, située dans l'Ain, proche de l'A43.

Paragraphes

L'arrivée en France et le début de la guerre

Sabine Zlatin nait en 1907 dans une famille polonaise juive. Dans la Pologne antisémite du début du 20e siècle, elle est étouffée par sa famille très pratiquante et par son pays. Elle va rapidement se rebeller et quitter la Pologne en 1925 à seulement 18 ans, pour arriver en France, à Nancy, l’année suivante. C’est là qu’elle rencontre Miron, un juif russe qui devient son mari en 1928. Le couple s’installe dans une ferme près de Lille. Profondément attachés aux valeurs de la République, Sabine ainsi que Miron sont naturalisés français en juillet 1939. Quelques semaines plus tard, la guerre éclate et Sabine décide de devenir infirmière. En 1940, elle et Miron fuient le Nord occupé par les Allemands, direction la zone libre et le sud. Ils s’installent à Montpellier.

À cause des lois de Vichy qui interdisent aux juifs de pratiquer, entre autres, le métier d’infirmier, Sabine Zlatin ne peut plus exercer. Elle décide alors de devenir assistante social pour l’Œuvre de secours aux enfants (OSE), dont le but est d’aider les familles réfugiées séjournant dans les camps d’internement créés par le gouvernement de Vichy. À partir de 1942, Sabine va plus loin en faisant en sorte que les enfants quittent ces camps, dans lesquelles les conditions de vie sont extrêmement difficiles. Mais en novembre de cette année, les choses se compliquent. Les Allemands envahissent la zone sud et peuvent désormais contrôler la résistance et les juifs. Sabine trouve alors un point de chute à l’est du Rhône, dans la zone dite « italienne ». Un endroit beaucoup plus sûr.

La colonie d'Izieu

Elle y installe, en mai 1943, une colonie de jeunes juifs dans une maison située à Izieu, dans l’Ain, avec l’aide du sous-préfet de Belley Pierre-Marcel Wiltzer. C’est ici que pendant un an, une centaine d’enfants va être recueillie et protégée par Sabine et Miron Zlatin. Ils y apprennent à lire, à écrire, à compter, étudient l’histoire de France grâce à la présence d’une institutrice. Pour les enfants d’Izieu, la guerre semble loin. La parenthèse est heureuse.

Mais en septembre 1943, les Italiens se retirent de la guerre. Les Allemands prennent alors le contrôle de cette zone située à l’est du Rhône, dont fait partie le département de l’Ain. La colonie est désormais en grand danger. À la fin du mois de mars, Sabine part à Montpellier pour tenter de trouver une solution de repli. Le 6 avril 1944, elle est dans le sud de la France lorsqu’à Izieu la Gestapo de Lyon dirigée par Klaus Barbie arrête tous les enfants de la colonie ainsi que leurs éducateurs. Au total, 44 jeunes juifs et sept adultes, dont Miron, ont été arrêtés puis déportés pour la plupart à Auschwitz.

Salle de classe de la Maison d'Izieu

© Benoit Ravier-Bollard - Studio Erick Saillet

Salle de classe de la Maison d'Izieu, dans laquelle étaient donnés des cours aux enfants de la colonie.

Le travail de mémoire

Trois jours après la rafle, Sabine Zlatin retourne dans la Maison d’Izieu. Elle y récupère des lettres et des dessins des enfants. Elle effectue alors un premier geste de mémoire...

Après avoir intégré un réseau de résistance et après la libération de Paris, elle s’occupe, début 1945, de l’accueil des déportés de retour des camps, à l’Hôtel Lutetia de Paris. C’est alors qu’elle apprend que ni Miron, ni les enfants de la colonie ne reviendront. Sur les 51 personnes arrêtées à la Maison d’Izieu, seule Léa Feldblum, l’une des encadrantes, revient vivante. Dès le mois de juillet, Sabine écrit au Préfet de l’Ain, pour l’aider à rendre hommage à toutes ces victimes. Le 7 avril 1946, deux ans après la rafle, une grande cérémonie, sans doute l’une des toutes premières de ce type, se tient devant la Maison d’Izieu pour honorer la mémoire des déportés.

Installée à Paris, Sabine gère par la suite une librairie. Elle revient néanmoins tous les ans à Izieu, déposer un bouquet de fleurs.

Réfectoire de la Maison d'Izieu

© Benoit Ravier-Bollard - Studio Erick Saillet

Dans ce réfectoire de la Maison d'Izieu, on aperçoit certains dessins d'enfants récupérés par Sabine Zlatin.

Le procès Barbie

On la retrouve bien des années après la fin de la guerre. En 1983, l’un des responsables de la rafle des enfants d’Izieu, Klaus Barbie, est arrêté en Bolivie et expulsé vers la France. Son procès s’ouvre en 1987 à Lyon. Sabine Zlatin témoigne :

Je veux dire à la défense que Barbie a toujours dit qu'il s'occupait uniquement des résistants et des maquisards, c'est-à-dire des ennemis de l'armée allemande. Je demande : les 44 enfants, c'étaient quoi ? C'étaient des résistants ? C'étaient des maquisards ? Qu'est-ce qu'ils étaient ? C'étaient des innocents !

Barbie sera condamné et terminera ses jours en prison.

En 1994, la Maison d’Izieu devient un musée mémorial, parachevant ainsi le travail de mémoire débuté 50 ans plus tôt par Sabine Zlatin. Elle s’éteint deux ans plus tard à 89 ans.

La Maison d’Izieu se visite toujours. Elle est accessible depuis les sorties 10 et 11 de l’A43.

Récit : Antoine Aupart (avec l'aide de Dominique Vidaud, directeur de la Maison d'Izieu) / Réalisation : Yann Girard