La miraculeuse expédition Endurance

Bateau prisonnier des glaces

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Retrouvez notre série consacrée aux expéditions extraordinaires avec le récit de l'incroyable expédition Endurance à écouter ci-dessous :

Paragraphes

Une expédition qui ne va pas se passer comme prévu

L’Irlandais Ernest Shackleton et son équipe ne parviendront jamais à traverser l’Antarctique. Cette expédition n’en est pas moins extraordinaire.

L’objectif est de parcourir, à pied, les 2.700 km entre la mer de Weddell et la mer de Ross. Tout débute le 5 décembre 1914 sur l’île de Géorgie du Sud, point de départ pour les 27 hommes menés par Shackleton, qui embarquent sur l’Endurance : un bateau censé pouvoir briser la glace. Mais rien ne va se passer comme prévu. Une fois dans la mer de Weddell, le navire se retrouve confronté à une banquise trop épaisse et est rapidement pris au piège. Dès la fin du mois de janvier 1915, la progression de l’équipage est stoppée.

En attendant les beaux jours et la fonte de la glace, les hommes installent un campement sur la banquise et débarquent la soixantaine de chiens de traineaux chargés initialement de transporter le matériel et les provisions.

Les mois passent, la nuit australe s’installe et les températures descendent de plus en plus, frôlant les -40 °C. Les glaces de plus en plus épaisses finissent par broyer la coque de l’Endurance. Pour Shackleton, il n’est désormais plus question de terminer l’expédition, mais de sauver la vie de tous ses hommes en rejoignant l’une des îles les plus proches, située à plusieurs centaines de kilomètres.

Une première traversée miraculeuse

Pour cela, il faut progresser sur la banquise : tout étant gelé, il n'est pas possible de mettre des embarcations sur l’eau. L’équipe emporte alors les trois canots de sauvetage et abandonne, sur place, le bateau. La progression est difficile et les hommes doivent s’interrompre à de nombreuses reprises. Les provisions s’amenuisent. Les manchots et les phoques qui servaient de nourriture se font rares. Shackleton met alors en place un rationnement, avant de prendre la décision d’abattre les chiens.

Au printemps 1916, la banquise se fragilise enfin. Les hommes embarquent dans les canots de sauvetage, direction l’île de l’Éléphant. Plusieurs jours de traversée dans des conditions climatiques épouvantables sont nécessaires pour atteindre leur objectif.

Les voici sur une nouvelle terre sur laquelle l’équipage peut s’installer. Mais personne ne sait où ils sont. Personne ne viendra les chercher ici, au milieu de nulle part, sur cette île vierge de présence humaine. C’est alors qu’Ernest Shackleton décide de tenter l’impossible : rejoindre l’île de Géorgie du Sud, point de départ de l’expédition, à 1.300 km de là.

Shackleton sur l'île de l'Elephant

Le campement de l'expédition Endurance sur l'île de l'Éléphant (Ernest Shackleton est à gauche, au premier plan).

Une fin d'aventure absolument incroyable

Il embarque alors, avec cinq autres hommes, à bord d’une petite embarcation, pour affronter une mer déchainée et des températures difficilement supportables. Le 8 mai 1916, deux semaines après leur départ, la côte ouest de l’île est en vue. Les six aventuriers sont épuisés et assoiffés. Ils décident néanmoins d’attendre le lendemain matin pour mettre les pieds sur terre, afin d’éviter un accostage de nuit sur une côte inconnue et non répertoriée. Une décision qu’ils vont regretter…

Des vents d’une force inouïe s'abattent sur eux. La mer se déchaine. Pendant neuf heures, ils concentrent le peu de force qu’il leur reste à éviter les récifs et à maintenir le petit canot à flot. Et encore une fois, c'est une réussite. Le 10 mai, les voilà enfin sur la terre ferme. Tous sains et saufs.

Ils ne savent pas qu’ils ne sont pas encore au bout de leurs peines, puisque la station baleinière la plus proche se trouve de l’autre côté de la montagne, à une trentaine de kilomètres à vol d’oiseau. Le canot ayant subi les dégâts de la traversée, il est impossible de reprendre la mer. Il faut donc passer par la montagne encore inexplorée. Trois des hommes trop fatigués pour tenter l’ascension, ce sont les trois autres, dont Shackleton, qui vont terminer le voyage à l’aide d’un équipement des plus rudimentaires. Des clous fixés à leurs semelles leur serviront de crampons et une herminette (une petite hache) fera fonction de piolet. C’est avec ça qu’en 36 heures, ils parviennent à rejoindre la station baleinière, là où tout a commencé. Un véritable exploit quand on sait qu’aujourd’hui des alpinistes chevronnés et parfaitement équipés auraient du mal à tenir ces délais.

Ce n’est que de longues semaines plus tard, le 30 aout 1916, près de deux ans après son départ d’Angleterre et après trois tentatives infructueuses, qu’Ernest Shackleton retrouve, à bord d’un navire, les 22 autres hommes naufragés sur l’île de l’Éléphant. Aucun membre de l’expédition Endurance n’aura perdu la vie.

Il faudra attendre 42 ans et l’année 1958 pour voir les premiers hommes réussir la traversée terrestre de l’Antarctique.

Récit : Antoine Aupart / Réalisation : Stéphane Schmidt

Un bateau de fortune

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Mise à l'eau du James Caird, un canot de sauvetage transformé pour pouvoir supporter la traversée entre l'île de l'Élephant et la Géorgie du Sud.