La mutinerie de la Bounty
6 mars 2022
© Robert Dodd
Retrouvez un nouveau numéro de notre série consacrée aux expéditions extraordinaires. Nous vous racontons l'incroyable voyage d'un bateau anglais, dont une partie de l'équipage s'est soulevée contre son capitaine.
Un capitaine autoritaire
Le 23 décembre 1787, la Bounty quitte l’Angleterre avec, à son bord, 45 hommes commandés par William Bligh. L’objectif de l’expédition est de rejoindre Tahiti, pour y récolter des plants d’arbre à pain. Cela permettra de fournir de la nourriture à moindre coût aux esclaves de Jamaïque travaillant dans les plantations de canne à sucre.
Dès le début du voyage, le mauvais caractère de Bligh pèse sur une partie des marins. Le capitaine, excellent navigateur, est aussi très autoritaire et n’hésite pas, à plusieurs reprises, à utiliser son fouet pour punir ses hommes. Les conditions de navigation sont également très difficiles avec des vents contraires qui ralentissent le navire, ce qui pousse Bligh à diminuer les rations de nourriture. Après près de trois mois de voyage, la Bounty approche du cap Horn. Les marins doivent alors affronter un tempête d’une violence extrême. Pendant plusieurs jours, Bligh s’acharne et tente de passer la pointe sud de l’Amérique du Sud. Le 22 avril 1788, après un mois d’efforts, le capitaine fait demi-tour. Pour rejoindre le Pacifique, il passera par le cap de Bonne-Espérance, au sud de l’Afrique.
Le 26 octobre, l’expédition atteint enfin Tahiti, après plus de 50.000 km parcours. Les hommes y découvrent une terre paradisiaque. L’île est aussi belle que ses habitantes, ce qui fait tourner les têtes de nombreux marins, qui ont dû vivre jusque-là avec le caractère difficilement supportable de William Bligh.
La révolte
La récolte des arbres à pain dure cinq mois et le 4 avril 1789, la Bounty repart en direction de la Jamaïque. Quitter Tahiti est un crève-cœur pour la plupart des marins, qui doivent à nouveau faire face à un Bligh toujours aussi autoritaire. Dans la journée du 27 avril, le capitaine accuse Fletcher Christian d’avoir volé une noix de coco. Pour montrer l’exemple, il punit l’ensemble de l’équipage. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Pendant la nuit suivante, une partie des hommes, commandée par Christian, se soulève et prend le contrôle du navire. Bligh et les 18 marins qui lui sont restés fidèles sont évacués de la Bounty sur une petite chaloupe avec, à son bord, un simple sextant et un peu de vivres.
Gravure de Hablot Knight Browne
L'exploit de Bligh et la cache de Christian
Les mutins, quant à eux, regagnent Tahiti. Mais conscients qu’ils risquent d’être rattrapés par la justice britannique s’ils restent sur place, neuf d’entre eux, dont Christian, reprennent la Bounty en compagnie de vingt Tahitiens, dont quatorze femmes, pour rejoindre une terre perdue en plein milieu du Pacifique : l’île de Pitcairn, à 2.200 km de Tahiti. L’île est totalement vierge de présence humaine, mais ses nouveaux habitants parviennent à y vivre sans trop de problème.
De son côté, Bligh, grâce à ses talents de navigation ainsi qu’à une discipline et un rationnement extrêmes, réussit l’exploit de rejoindre l’île de Timor, qui fait partie de l’archipel indonésien, après avoir été expulsé de la Bounty et après un voyage de 41 jours et 6.700 km parcourus sur une petite embarcation de sept mètres de long. Quand le capitaine rentre en Angleterre le 14 mars 1790, il est jugé pour avoir perdu la Bounty, puis acquitté. L’Amirauté envoie ensuite la frégate Pandora capturer les mutins pour qu’ils soient jugés. Le navire arrive à Tahiti le 23 mars 1791 et les quatorze mutins toujours en vie, que Christian a abandonné, sont arrêtés. Pendant son voyage de retour, la Pandora fait naufrage et seuls dix prisonniers rentrent en Angleterre vivants. Ils sont jugés. Quatre sont acquittés, six condamnés à mort par pendaison, mais trois sont finalement graciés.
Sur l’île de Pitcairn, là où se sont installés les mutins menés par Christian, les années ont passé et plusieurs conflits ont éclaté entre les hommes. Une grande partie des membres de la communauté s’est entretuée. En 1800, après onze ans sur l’île, tous les hommes tahitiens sont morts et il ne reste plus qu’un seul mutin vivant : John Adams. Adams s’occupe des Tahitiennes et de tous les enfants nés sur l’île au fil des années. Il le fera jusqu’à sa mort en 1829.
Aujourd’hui encore, des descendants des mutins vivent à Pitcairn, une île peuplée d’une cinquantaine de personnes.
Récit : Antoine Aupart / Réalisation : Anaël Ferrand