L'arnaque Malcolm Bricklin
8 janvier 2023

1975 Bricklin SV1 Two Seat Sports Car © Adobe Stock / Brian
Dans notre chronique histoire on revient sur l'un des plus gros fiascos automobiles du siècle dernier : l'affaire Malcolm Brickin. Un reportage de Roald Billebault à écouter ci-dessous
Outre-Atlantique, au début des années 70, un certain Malcolm Bricklin, jeune millionnaire plein d'assurance et peu scrupuleux, n'a qu'une idée en tête : fonder sa propre marque automobile. Son ambition déclarée : concurrencer l'un des modèles emblématiques, made in USA, la Chevrolet Corvette. Son projet ? Une sportive révolutionnaire, sûre, dotée d'imposantes ailes papillon, de pare-chocs rétractables et d'une carrosserie en fibre de verre qui ne rouille pas.
Bricklin créé la General Vehicule et finance un emprunt grâce à des sociétés fictives, pour la plupart des coquilles vides. Il confie le projet à plusieurs ingénieurs et se tourne vers la province du Nouveau-Brunswick au Canada pour obtenir davantage de fonds. En échange de 70% du capital, la province canadienne lâche près de 20 millions de dollars. L'entrepreneur promet aussi l'embauche de 500 salariés. Un argument qui fait mouche en pleine période électorale. Bricklin raconte à qui veut l'entendre qu'il sera en mesure d'atteindre l'inatteignable en écoulant 100 000 exemplaires au bout de 4 ans. La réalité est tout autre... L'argent du contribuable canadien servit largement, en fait, à financer son indécent train de vie.
À peine lancée en 1974, la commercialisation fait face à de nombreux problèmes : retards de livraison, finitions déplorables, étanchéité des plus douteuse. Quant à la fameuse carrosserie en fibre de verre, elle se déforme au soleil. Et sous le capot rien de très impressionnant, seulement un asthmatique moteur Ford d'à peine 170 chevaux. L'échec est cuisant. En 1976, moins de 3000 véhicules sont sortis des chaînes de montage et les dettes sont colossales, près de 40 millions de dollars de l'époque. Habile, Malcolm Bricklin ne sera jamais inquiété puisque c'est la province canadienne, actionnaire majoritaire, qui endossa les pertes et aura à gérer le conflit social après le licenciement de centaines de salariés. De cette filouterie naîtra une chanson satirique sous la plume de Charlie Russell en 1976. Quant à Malcolm Bricklin, aux dernières nouvelles, il coule une retraite dorée dans l'État de New York.