Le mystère de l'Oiseau blanc
27 juillet 2022

Notre série consacrée aux expéditions extraordinaires s'intéresse à la tentative de traversée de l'Atlantique, en avion, de deux Français. Un récit à écouter ci-dessous.
La disparition
En 1927, Charles Lindbergh devient officiellement le premier homme à rallier, en avion et sans escale, New-York à Paris. Mais est-il vraiment le premier à avoir fait le trajet entre les continents américain et européen ?
Treize jours avant la réussite de Lindbergh, deux Français – Charles Nungesser et François Coli – embarquent à bord d’un biplace de plus de quatorze mètres d’envergure et doté d’une coque lui permettant de se poser sur des eaux calmes. Il est baptisé l’Oiseau blanc. À 5 h18, le 8 mai 1927 au Bourget, l’avion décolle. Le but est de rallier New-York. Les deux pilotes n’y parviendront jamais.
À 6 h 45, l’Oiseau blanc s’engage au-dessus de la Manche. Une demi-heure plus tard, un sous-marin britannique aperçoit l’appareil près de l’île anglaise de Portland. Il est 10 h 50 quand l’avion est vu à Kilrush, une petite ville située au sud-ouest de l’Irlande. Le 9 mai, le lendemain du décollage, les journaux annoncent l’arrivée de Nungesser et Coli à New-York. Le peuple français exulte et fête l’exploit des pilotes. Il va vite déchanter, puisque l’information est fausse. En réalité, les deux Français, ainsi que leur avion, ont disparu. Des recherches sont immédiatement menées. Certains prétendent que l’avion s’est abimé dans la Manche, d’autres qu’il a atteint l’île canadienne de Terre-Neuve. En réalité, encore aujourd’hui, nous ne savons pas précisément ce qui est arrivé à Nungesser et Coli. Mais plusieurs hypothèses existent.

Carte postale de l'Oiseau blanc et de ses deux pilotes, Charles Nungesser (à gauche) et François Coli.
Les hypothèses
La première mène à Terre-Neuve. Pendant leur périple, les deux Français auraient rencontré une dépression les obligeant à faire un détour. À court de carburant, ils auraient tenté de se poser sur un étang de Terre-Neuve. Hormis des morceaux de métal pouvant appartenir à l’avion, rien ne sera jamais retrouvé.
L’autre scénario envisagé nous emmène au Canada. Le continent américain atteint, Coli et Nungesser auraient tenté de battre le record de distance en ligne droite et amerri sur un lac canadien. Des témoignages de l’époque nous disent qu’au mois de juin 1927, des fusées éclairantes sont tirées depuis ce lac, alors que Coli était parti avec des fusées. Des avions auraient ensuite survolés les environs, mais les deux hommes ne seront jamais retrouvés dans ce secteur.
Une piste prometteuse
Pendant de nombreuses années, le mystère reste entier, avant qu’un Français, qui s’est pris de passion pour l’affaire, n’entreprenne des recherches. Il se pourrait bien qu’il ait touché du doigt une partie de la vérité. La piste la plus prometteuse et qui se rapproche sans doute le plus de la vérité, est celle qui mène à l’île française de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le 9 mai 1927, un pêcheur prétend avoir entendu un bruit de moteur d’avion caché dans la brume. L’appareil se serait ensuite abimé en mer. En pleine période de prohibition, Saint-Pierre-et-Miquelon est une plaque tournante d’un trafic d’alcool. Il n’est pas impossible que l’Oiseau blanc, après avoir contourné une dépression en arrivant sur Terre-Neuve, ait été abattu par un garde-côtes américain, confondant l’appareil avec un avion de contrebandiers. Plusieurs recherches ont été menées ces dernières années au large de l’île, et d’autres doivent encore avoir lieu pour retrouver LA pièce qui permettra d’affirmer que Nungesser et Coli ont bel et bien réussi leur traversée de l’Atlantique avant d’avoir été abattus. Des recherches menées notamment par Bernard Decré, qui a coécrit, avec Vincent Mongaillard, L’Oiseau blanc, l’enquête vérité (éd. Arthaud, 2014). L’enquête de Bernard Decré l’a mené, en plus de Saint-Pierre-et-Miquelon, aux États-Unis. Certains rapports et témoignages qu’il a pu retrouver peuvent laisser penser que l’appareil s’est abimé au large de l’île française. Des morceaux ont été retrouvé quelques jours après la disparition des deux pilotes. Mais appartiennent-ils à l’Oiseau blanc ? Le mystère reste entier.
Même s’ils ne sont pas terminés, les travaux de Bernard Decré ont été reconnus en 2015, par la Fédération aéronautique internationale. En 2017, la ville de Paris a changé une plaque de rue portant les noms de Nungesser et de Coli, pour remplacer la mention « Aviateurs disparus au cours de leur tentative de traversée de l’Atlantique Nord en 1927 » par « Ont traversé l’Atlantique les 8 et 9 mais 1927, naufragés devant Saint-Pierre-et-Miquelon ».
Récit : Antoine Aupart / Réalisation : Stéphane Schmidt

François Coli (à gauche), Charles Nungesser et leur avion ne seront jamais retrouvés.