Louis Blériot : l'homme qui a fait de l'Angleterre un continent
13 mai 2023
Domaine public
Nouveau numéro de notre série consacrée aux expéditions extraordinaires avec l'histoire d'un personnage qui fabriquait des phares destinés aux automobiles, et qui est à l'origine de l'industrie aéronautique.
De l'industrie automobile à la conception d'aéroplanes
Né dans le Nord en 1872, Louis Blériot est un ingénieur qui crée, avec succès, une entreprise de phares pour l'industrie automobile. Mais ce qui passionne le français, ce sont surtout les découvertes et les inventions.
À la fin du 19e siècle, Clément Ader — à qui l’on doit le mot « avion » — est le premier à faire décoller un engin plus lourd que l’air. Il conçoit pour cela l’Éole : une sorte de chauve-souris géante, équipée d’un moteur à vapeur. C’est notamment à bord de cette invention qu’Ader parvient à s’élever dans les airs de quelques centimètres et sur de courtes distances. Il faut bien un début à tout…
C’est en découvrant les travaux de Clément Ader, que Louis Blériot décide de concevoir, lui aussi, des aéroplanes, au début des années 1900. Il fabrique de nombreux modèles mais les premiers vols sont si chaotiques, qu’ils lui valent les surnoms de « L’homme qui tombe toujours » ou encore du « Roi des pâquerettes ». Il est vrai que Blériot casse bon nombre de ses inventions lors de ses essais.
Un prix qui tombe à pic
En 1908, l’ingénieur n’a quasiment plus d’argent et joue son va-tout avec son onzième modèle d’avion, sobrement baptisé Blériot XI. Testé pour la première fois en janvier 1909, l’appareil se révèle assez fiable, et cela tombe au parfait moment.
Quelques mois plus tôt, le journal britannique le Daily Mail promettait d’offrir 1.000 livres sterling, soit 25.000 francs or — une fortune pour l'époque — au premier qui réussirait la traversée aérienne de la Manche. Si cela parait être une formalité aujourd’hui, au début du 20e siècle, un tel exploit est inimaginable, à une période où les mers et les océans représentent d’imposantes barrières.
Deux français saisissent cette opportunité offerte par le Daily Mail : Hubert Latham et Louis Blériot. Latham est le premier à tenter sa chance en décollant du cap Blanc-Nez, le 19 juillet 1909. Mais le moteur Antoinette, qui équipe son avion, tombe en panne au beau milieu de la Manche. Le crash détruit l’appareil d’Hubert Latham, qui est repêché vivant.
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Un exploit qui doit "profondément modifier les théories de la guerre"
Quelques jours plus tard, Louis Blériot s’apprête, à son tour, à traverser la Manche. Mais le pilote est mal en point. Blessé à la cheville, il marche avec des béquilles. Pas l’idéal pour un vol qui, même en pleine possession de ses moyens, est extrêmement risqué.
Le 25 juillet, à 3 h 40 du matin, le Blériot XI est sorti de son hangar. Constitué de bois, de toiles et de cordes à piano, il ne pèse que 200 kg et est doté d'un moteur Anzani de 25 chevaux, l’équivalent d’un moteur de mobylette. À 4 h 41, Blériot décolle de Sangatte, près de Calais, sans boussole, sans montre et sans carte. Pour être sûr de tenir son cap et de ne pas dévier de sa trajectoire, l’ingénieur doit maintenir ses pieds immobiles pour ne pas désaxer le gouvernail. Un torpilleur suit le pilote pendant toute la durée de son voyage, au cas où il faudrait le repêcher.
Blériot doit s'adapter aux conditions météo difficiles ce jour-là. Le brouillard gêne sa visibilité et le vent est puissant. Mais le pilote réussit l’impossible : il parvient à poser son appareil à Douvres, en Angleterre, à 5 h 13 ou 5 h 17, selon les sources. Le vol aura duré entre 32 et 37 minutes, à une vitesse moyenne qui avoisine les 64 km/h, sur les 43 km de traversée. Le Daily Mail titre le lendemain : « L’Angleterre n’est plus une île ». Beaucoup moins enthousiaste, le Morning Post assure que « cela va profondément modifier les théories de la guerre et menacer nos moyens traditionnels de défense ».
Que ce soit en Angleterre ou lors de son retour à Paris, Blériot est accueilli en héros. Dans la capitale française, entre 100.000 et 200.000 personnes l’acclament. Son avion est, depuis, exposé au Conservatoire national des arts et métiers de Paris.
Par la suite, Louis arrêtera de voler et se consacrera à la construction de ses aéroplanes. Les commandes pour son Blériot XI exploseront. C’est le début de l’industrie aéronautique. Une industrie dont la France sera le leader durant une dizaine d’années.
Récit : Antoine Aupart / Réalisation : Nicolas Vernizeau
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